
Dans le cadre de sa politique de couverture santé universelle, le président Félix Tshisekedi a lancé le 5 septembre dernier les soins de maternité gratuits à Kinshasa.
Ce programme, démarré dans la capitale comme zone pilote, doit s’étendre sur l’ensemble du pays d’ici l’année prochaine.
En termes d’infrastructures, d’équipements, de la qualité et de la disponibilité du personnel, de l’accessibilité, le système sanitaire congolais est-il bien préparé à accueillir ce programme ambitieux ?
Pour la seule ville de Kinshasa, 300 centres de santé et 50 hôpitaux de référence sont retenus. Ce qui reste un grand défi.
Déjà pour les deux premières semaines de cette gratuité, le bilan est à demi-teinte. Si les frais d’hospitalisation ne sont pas demandés aux femmes qui viennent accoucher, les médicaments pour accompagner leurs soins ne sont pas encore disponibles partout. C’est le cas à l’hôpital militaire central du camp Kokolo, visité lundi par INFOS.CD (reportage à lire dans ce dossier).
La maternité gratuite, c’est aussi l’accès aux contraceptifs, après l’accouchement. La couverture en intrants des méthodes contraceptives se situe autour de 25%, essentiellement financée par des partenaires internationaux. Le gouvernement n’honore que très difficilement sa part d’engagement dans l’achat des intrants contraceptifs.
A part des problèmes d’intrants, il est de notoriété publique que les hôpitaux et centres de santé congolais sont sous-équipés. La plupart manque de plateau technique adéquat ou encore de banque de santé. Cette dernière est essentielle pour des femmes qui connaissent des problèmes d’anémie au moment d’accouchement.
Carence en sages-femmes
En plus de cela, il y a aussi carence en sages-femmes au pays. En RDC, il existe une moyenne d’une sage-femme pour 20 mille habitants. Des chiffres loin des standards internationaux qui sont d’une sage-femme pour 5 mille habitants.
Dans les formations sanitaires, il y a plutôt une abondance d’infirmiers. D’où la nécessité de les former au travail obstétrical. « Ne pas traiter correctement les prestataires et s’attendre à ce que le service soit de qualité, ce serait se foutre le doigt dans l’œil », estime Dr Jean-Claude Mulunda, spécialiste en droits de santé sexuelle et reproductive et représentant-pays de l’Ong américaine Ipas, dans une interview accordée à INFOS.CD (à suivre dans ce dossier).
Déjà que du point de vue « humanisation des soins », beaucoup de reproches sont dirigées vers le personnel soignant congolais, dont la plupart pas toujours bien accueillants des patients, même quand ces derniers paient les frais d’hospitalisation. Dans le contexte de gratuité, cela risque bien d’être tendu si une prise en charge honorable n’est pas assurée par le gouvernement.
L’éloignement
Un autre grand défi, c’est la distance géographique qui sépare des formations sanitaires aux patients, surtout dans les provinces.
Pour un immense pays de plus de 2 345 000 kilomètres carrés de superficie, la RDC ne dispose que de 600 zones de santé et de 250 hôpitaux généraux de référence. Il y a donc nécessité de construire d’autres formations sanitaires dans le cadre de la couverture santé universelle pour ainsi réduire les distances et favoriser l’accès aux soins.
Augmenter le budget
Tout cela va demander des moyens. Dans le budget national 2023, la part du secteur de la santé n’était que de 10%, bien loin de l’objectif de 15% convenus à Abuja par les Etats africains. Une attention particulière sera portée sur le contenu de la Loi de finances 2024 qui sera votée au Parlement au courant de cette session de septembre pour savoir si la part du secteur de la santé sera revue sensiblement à la hausse. Cela vaut le coût car, pour supporter la gratuité de la maternité, le gouvernement prévoit un budget annuel de 200 millions de dollars.
Avec 643 décès sur 100 000 naissances vivantes, la RDC est l’un des pays du monde les plus touchés par la mortalité maternelle. L’accès aux soins de maternité gratuits ne peut contribuer à réduire sensiblement ce taux de morbidité que si sa mise en œuvre est assurée de manière efficace.
Socrate Nsimba
A lire aussi dans le dossier sur la gratuité de la maternité
– Opportunités, dangers et défis de la maternité gratuite : entretien avec le Dr Jean-Claude Mulunda
