Les récentes mises en place dans une dizaine d’entreprises du portefeuille de l’État suffisent-elles à remettre les choses sur des rails ? Tentative de réponse dans ce dossier spécial d’INFOS.CD.
Fonds de promotion de l’industrie (FPI), Office congolais de contrôle (OCC), Office de gestion et de fret multimodal (OGEFREM), Office de route (OR), Société minière de Kilo-Moto (SOKIMO), Lignes maritimes congolaises (LMC), Société nationale de loterie (SONAL), Caisse nationale de péréquation, Institut des musées nationaux du Congo, Fonds de promotion de la santé, Fonds de solidarité de la santé, Institut national de santé publique, Agence congolaise de presse (ACP). Ces portefeuilles de l’État connaissent les noms de leurs nouveaux animateurs depuis le week-end dernier.
Ces vastes nominations signées par Félix-Antoine Tshisekedi s’ajoutent à celles de 2020 dans d’autres entreprises et établissements de l’État.
Le changement des têtes rime-t-il avec recherche de performance ? « On ne sera satisfait que lorsqu’on verra leur rendement positif », réagit, dans ce dossier, Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle société civile du Congo (NSCC).
Depuis plusieurs décennies, des mandataires se succèdent dans les entreprises publiques, mais les problèmes restent les mêmes ou empirent : dettes sociales, mauvaise gestion, défaillance structurelle, dilapidation des ressources…
En mai 2021, l’Inspection générale des finances (IGF) a constaté après son audit des vastes « détournements et avantages illégaux » que s’octroient des dirigeants des entreprises, sans tenir compte de leur comptabilité déficitaire.
Chaos général
A Congo Airways, par exemple, ce service rattaché à la présidence de la République avait révélé le détournement de plus de 2 millions de dollars résultant du non-versement des recettes des ventes de billets. L’IGF avait alors alerté que la mauvaise gestion de la compagnie aérienne nationale se matérialise notamment par un « risque élevé de faillite, les pertes enregistrées dépassant le capital social ». Une année après, l’entreprise est effectivement au bord de la faillite. Dans deux mois, elle n’aura plus aucun appareil en service, avait annoncé le gouvernement il y a deux semaines. Les deux avions restant vont aller en entretien. Les deux autres, en panne, n’ont jamais été réparés.
Ce chaos est presque général. Même les entreprises transformées en sociétés commerciales dans le cadre de la réforme conduite par le Comité de pilotage de la réforme des entreprises (COPIREP) depuis 2008 ne sont épargnées. Le but de cette réforme était pourtant d’améliorer le potentiel de production et de rentabilité de ces entreprises, mais aussi leur qualité de service rendu aux usagers et à la population, ainsi que de renforcer leur compétivité et accroître leur contribution dans le budget de l’État.
« Sous la paille »
Quatorze ans après, « le bilan est très mitigé. Beaucoup d’entreprises restent sous la paille », constate dans ce dossier Mike-Grady Diana, analyste économique, qui situe le problème au niveau tant structurel que managérial.
Le problème de management, selon lui, est dû essentiellement au fait que les postes de direction de ces entreprises s’obtiennent par marchandage politique.
« Le dirigeant n’arrive pas pour remplir des « Target » de gestion, mais plutôt pour répondre à un desiderata politique, fait-il observer. On le détourne ainsi des objectifs de l’entreprise ».
OGEFREM, fin de la récréation ?
A une année des élections, faudrait-il craindre que les fonds prennent plus la direction des partis politiques pour des besoins de campagne que des comptes des entreprises ? « Les mêmes causes produisent les mêmes effets », lâche un agent d’une entreprise publique, plutôt sceptique.
En tout cas, s’il y a lieu de mettre un peu d’optimisme, c’est dans les entreprises où de nouvelles mises en place s’imposaient avec acuité. Le cas de l’OGEFREM qui, avec la nomination de nouveaux dirigeants, peut espérer sortir des moments troubles des intérimaires, en toile de fond, des tensions sociales du fait des contestations de leur légalité.
En l’espace d’une année depuis la suspension de l’ancien DG Patient Sayiba en juillet 2021 pour « fautes graves », trois intérimaires sont passés à la tête de l’entreprise, consacrant le clair de leur temps à étaler des querelles intestines dans les médias. Les nouveaux dirigeants sonneront-ils la fin à la récréation? À suivre.
Socrate Nsimba