Inadéquation du modèle économique, effets pervers de Covid-19 et de la réduction des tarifs par le gouvernement, effectifs pléthores, détournements, défaillance du personnel… La compagnie aérienne nationale est dans un état de « faillite non déclarée », selon le ministre des Transports. Seul l’État-actionnaire peut la sauver en y injectant près d’une centaine de millions de dollars.
Le 26 août dernier, lors du Conseil des ministres, le président Felix-Antoine Tshisekedi sonne l’alerte : il y a risque que dans deux mois, Congo Airways manque d’avions opérationnels. Les deux appareils disponibles de la compagnie jusqu’ici opérationnels devraient subir des entretiens.
Le vendredi dernier, le ministre des Transports, Chérubin Okende, a présenté devant le Conseil des ministres l’état général de l’entreprise.
Selon le document consulté par Jeune Afrique, le ministre Chérubin Okende présente une entreprise en situation de « faillite non déclarée ».
Le tableau peint par le ministre affiche plusieurs maux à la base de cette situation alarmante : mauvaises performances sur les plans de l’organisation et ressources humaines, techniques, opérationnel et financier…
Sur le plan organisationnel et ressources humaines, le ministre fait, entre autres, état de l’inadéquation du modèle économique avec la situation tant structurelle du secteur de l’aviation que la conjoncture économique, politique et sociale du pays.
« La gestion actuelle de la compagnie n’est pas collégiale et transparente », souligne Chérubin Okende qui note la « défaillance de franche collaboration entre le Conseil d’administration et la direction générale ».
Aussi, entre la direction générale et certaines directions opérationnelles. Il est également fait état des « directions et services encombrants » et la « mauvaise description » des emplois.
A ce dernier point, le ministre déplore des « effectifs pléthores » du personnel par rapport au niveau d’activité. Mais aussi une faiblesse de recouvrement des recettes des ventes de plus de 9.5 millions de dollars.
Plan de sortie de crise à 92 millions USD
Avec la pandémie de Covid-19, Congo Airways a subi une baisse de plus de 50% des recettes de l’ordre de 35 millions. Pas que. La réduction des tarifs des billets par le gouvernement a réduit le chiffre d’affaires de la société de l’ordre de 40%, avance le ministre, se basant sur le plan de sortie de crise et de stabilisation proposé par la direction générale de l’entreprise chiffré à 92.7 millions de dollars.
Ce montant se décline en l’entretien et maintenance de quatre avions (24.4 millions USD), l’acquisition d’une flotte hétéroclite de sept avions d’occasions (34.2 millions USD), la récupération d’un Embaer 190 neuf bloqué au Brésil (22.6 millions USD), la location complète de deux avions (4 millions USD) ainsi que l’appui au fonds de roulement (7.8 millions USD).
Pour toutes ces opérations, le gouvernement devrait intervenir dans soixante jours, suivant un montage financier avec la Banque centrale du Congo (BCC).
A moyen terme, il est préconisé l’achat des avions neufs, l’acquisition du matériel d’assistance au sol et la construction des bâtiments de la compagnie en escales.
Chérubin Okende déconseille l’achat des aéronefs d’occasion qui « risque d’engendrer, par manque de cohérence, des coûts énormes quant à la formation, la maintenance, l’approvisionnement en pièces de rechange et même d’induire une immobilisation des capitaux engagés ».
Un plan de stabilisation à 91 millions USD
Le plan de stabilisation de l’entreprise, elle, coûte 91.4 millions de dollars. Il vise à mettre en place huit aéronefs par le redéploiement de quatre avions pour un coût d’entretien de 24.7 millions de dollars et la localisation de quatre avions sur une période de trois à six mois pour un coût de 18.6 millions de dollars. Il y a aussi la mise en place d’un fonds de roulement de 500 mille dollars et la subvention d’équilibre pour les salaires du personnel, le carburant, les charges locatives et le fonctionnement pour 25 millions de dollars ainsi que la finalisation d’un Embaer 190 au Brésil par l’apurement des 22.6 millions de dollars sur un total des 36 millions.
Il y a sept mois, le gouvernement avait approuvé le projet de création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale, Air Congo. Depuis, le projet est mis en veilleuse. Le ministre Okende sollicite sa réactivation, estimant qu’il pourrait soutenir le relèvement de Congo Airways à travers une « coopération technique et commerciale stratégique face à la concurrence nationale et internationale. »
Le gouvernement aura-t-il des moyens pour à la fois relancer Congo Airways et créer une autre entreprise ? A moins d’une année des élections qui nécessite plus d’un demi-milliards de dollars, pas évident.
Le premier vol de Congo Airways a eu lieu en octobre 2015, une année après sa création. La compagnie a été créée pour promouvoir la sécurité et la démocratisation du transport aérien dans un secteur qui était jusque-là détenu par des privés. Six ans après, le monopole risque de revenir à nouveau aux privés.
Socrate Nsimba