Malgré les inquiétudes des ONG, Kinshasa a lancé un appel d’offres pour l’exploration et l’exploitation de 27 blocs pétroliers et 3 gaziers. Estimant qu’il est temps de saisir l’opportunité d’augmenter significativement les revenus de l’Etat. Entretien avec Didier Budimbu, le ministre des hydrocarbures.
Jeune Afrique : pourquoi Kinshasa met en vente des blocs pétroliers et combien de blocs sont concernés ?
Didier Budimbu : Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que les blocs pétroliers ne sont pas mis en vente. Il s’agit plutôt d’attribution des droits d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures en vertu d’un contrat de partage de production ou d’un contrat de service par bloc, à la suite d’une procédure d’appel d’offres menée conformément à la loi en vigueur. L’attribution des blocs pétroliers par Kinshasa l’est en exécution du programme du gouvernement visant à valoriser le patrimoine pétrolier et gazier de la RDC en vue d’augmenter la production d’hydrocarbures du pays, pour ainsi accroître significativement les recettes dans le budget de l’Etat, avec toutes les retombées qui s’en suivent notamment sur le plan socio-économique. Cette première phase du processus d’appel d’offres porte sur 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers.
A combien estimez-vous les réserves d’hydrocarbures de ces blocs ?
A ce stade de connaissance géo pétrolière, nous parlons davantage de ressources que de réserves. Et lesdites ressources sont estimées à plusieurs millions, voire milliard de barils de pétrole, évalués en terme d’argent à plus de 650 milliards de dollars américains. Les tailles des réserves seront mises en évidence après les travaux d’exploration que vont mener les sociétés pétrolières en cours de sélection par appel d’offres.
Comment Kinshasa compte assurer la transparence dans la gestion à long terme de ces ressources ?
D’abord, il sied de rappeler que la RDC est membre de l’ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives) depuis 2005, laquelle est une organisation réunissant en son sein les représentants du gouvernement et de la société civile. Par ailleurs, le contrat de partage de production renferme des dispositions sur la bonne gouvernance suivant les exigences de l’industrie pétrolière internationale, obligeant les parties en présence à des bonnes pratiques en vue de garantir la transparence dans la gestion des ressources. Et même s’agissant des projets sociétaux, ils impliqueront fortement les populations riveraines directement affectées par les activités pétrolières. Celles-ci participeront directement à l’élaboration des cahiers des charges dans le cadre des comités de concertation dont elles sont membres en part entière. Et ces projets en faveur des populations riveraines débutent dès le démarrage de la phase d’exploration sans attendre celle de l’exploitation.
Le Sénégal a créé un Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz sénégalais (COS Petrogaz). D’autres pays ont créé des fonds souverains. Que compte faire la RDC ?
Parmi les innovations phares apportées par la loi de 2015 portant régime général des hydrocarbures figure notamment la création d’un fonds en faveur des générations futures, dont le projet de mise en œuvre est en cours. Ce texte prévoit aussi la constitution de provisions pour les interventions sociales tant en phase d’exploration qu’en phase d’exploitation. Aussi, dans le contrat de partage de production, la RDC compte renforcer l’une des obligations contractuelles portant sur l’effort d’exploration des bassins sédimentaires pour ainsi constituer des fonds pouvant aider à poursuivre d’intenses travaux de recherche d’hydrocarbures via la Sonahydroc et ses partenaires. L’objectif ici étant d’accroître le niveau de connaissance géologique pour mieux attribuer les blocs avec des plus-values.
Pourquoi Kinshasa pense que ce nouveau cycle d’appels d’offres fonctionnera-t-il ? Les précédents n’ont pas marché.
D’abord, précisons que le présent processus d’appels d’offres pour l’attribution de droits d’exploration et d’exploitation des blocs pétroliers et gaziers est une première en RDC. Et ça fonctionnera car la volonté politique est forte au plus haut niveau de l’instance décisionnelle, contrairement aux régimes passés ! Et ceci constitue l’une des motivations majeures de croire à sa réussite, notamment au regard des potentialités énormes que renferment lesdits blocs.
Quelles mesures spécifiques (fiscales, douanières, politique de change et de gestion des devises) ont été prises cette fois pour assurer le succès de ce round ?
L’ensemble de ces préoccupations fera l’objet de discussions lors de la négociation pour la signature du contrat de partage de production, en prenant en compte les dispositions déjà pré établies et la catégorisation des blocs en zones fiscales. L’essentiel à retenir pour le moment est que la RDC soutient l’allègement de ces mesures susmentionnées, afin d’inciter les entreprises pétrolières à venir investir dans ce secteur. Notre objectif est de transformer en richesse le potentiel en hydrocarbures de nos bassins sédimentaires. Les cahiers des charges en cours élaboration donneront quelques orientations clés.
En quoi, ces mesures seront-elles différentes de celles qui existaient avant ?
Le secteur ne disposait pas d’une législation spécifique, jusque-là.
En quoi seront-elles différentes de celles prises par certains pays de la région (Guinée équatoriale ou le Gabon) pour leurs rounds de concessions pétrolières ? Ces dernières ont également échoué.
La RDC n’est ni la Guinée Équatoriale ni la Gabon. Et je ne pourrais expliquer leurs échecs.
Quelles mesures ont été prises pour limiter l’impact environnemental ?
L’une des innovations phares apportées par la loi de 2015 porte sur le renforcement de la protection de l’environnement et du patrimoine culturel. Et ceci est opposable à toutes les entreprises pétrolières qui seront sélectionnées pour opérer les blocs pétroliers et gaziers. Aussi, l’une des exigences faites à ces entreprises portera sur l’utilisation dans les travaux d’exploration-production des nouvelles technologies visant à protéger l’environnement.
Que répondez-vous aux ONG qui estiment que ces concessions affectent des zones protégées ?
La RDC est un pays responsable qui sait respecter ses engagements et en même temps qui a l’obligation de répondre aux besoins de ses populations tout en préservant l’environnement dont les Aires protégées font partie.
Vu l’impact climatique du pétrole, pourquoi ouvrir ces concessions maintenant et pourquoi ne pas mettre l’accent plutôt sur l’industrialisation de la filière minière ?
La RDC est un pays souverain ayant un agenda et un plan de développement contenu dans le programme du gouvernement validé par le Parlement.
Stanis Bujakera Tshiamala, Jeune Afrique