Un confrère qui critique le fait pour certains médias congolais de relayer les informations des M23 et de Kigali autour de la guerre dans l’Est a indiqué qu’en cette période, il est de bon aloi pour la presse d’ « accentuer les victoires » et de « minimiser les échecs ».
Ces deux termes m’ont beaucoup inspiré, pour peu qu’ils mettent en évidence deux aspects importants : une exaltation du caractère sacré des faits (sinon, il aurait dit fabrication des faits) et une mise en avant d’un cadrage (orientation des articles) en faveur de sa patrie.
C’est seulement sur ce deuxième point qu’on peut convoquer la responsabilité du journaliste. Pas au premier point car c’est sacré, intouchable, indiscutable.
La récente guerre en Ukraine est très instructive. Les médias occidentaux s’alignent totalement et clairement derrière la thèse occidentale dans leurs analyses, dans l’orientation des éléments de reportages, mais jamais alors jamais ils n’ont attribué à l’armée ukrainienne des territoires qu’elle ne contrôle pas. Jamais, alors jamais ils se sont interdits d’annoncer des conquêtes russes, encore moins l’annexion officielle des régions ukrainiennes pro-russes. Vous savez pourquoi ? Parce que là, c’est la dimension sacrée, intouchable, indiscutable des faits.
Les médias n’ayant plus le monopole de l’information, n’importe qui aujourd’hui peut apporter des preuves indiscutables sur des faits. Inutile donc de faire de la rétention de l’information. Mais utile et possible d’orienter l’information selon ses intérêts.
En RDC, certains non initiés voudraient que les médias fassent la rétention des faits (ne pas annoncer l’occupation d’un village par le M23 alors que c’est le cas) et pire, publient des fake-news (Bunagana récupéré alors que ce n’est pas le cas).
S’il y a un défaut dans « accentuer les victoires » et dans « minimiser les échecs » autour de cette guerre, c’est parce que quelque part, la presse n’a pas été mobilisée. Elle n’a pas une ligne tracée à suivre. A qui la faute ? Peut-être au gouvernement qui ne voit pas ce déficit d’une communication cohérente en temps de guerre. Il n’y a même pas un spot télévisé appelant à la mobilisation générale derrière les FARDC et contre les ennemis.
L’opinion débat plus sur le concert de Fally Ipupa le 29 octobre que sur la situation au front.
Le journaliste n’est pas appelé à déchirer ses principes du métier au nom d’un certain patriotisme. Il doit en toute circonstance rester professionnel, même quand il faut privilégier une partie plutôt qu’une autre.
Socrate Nsimba