L’année qui vient de s’achever a mis à l’épreuve la justice congolaise dans plusieurs affaires impliquant les acteurs politiques. Des décisions judiciaires qui n’ont pas manqué d’être critiquées dans l’opinion. Même le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, s’est désolé de la « théâtralisation » des verdicts. INFOS.CD a sélectionné quatre décisions judiciaires qui ont fait jaser.
*Vital Kamerhe, « le tombeau est vide »*
Dieudonné Kaluba, alors avocat général de la République, avait parlé d’un « procès pédagogique » face à un « vol intellectuel » lors de la première instance. Et quand le Tribunal de grande instance de la Gombe condamne, le 20 juin 2020, à 20 ans de prison et dix ans d’inéligibilité le principal allié politique du président Tshisekedi au terme d’un procès retransmis en direct à la télévision nationale, l’on croit bien que les carottes sont cuites pour Vital Kamerhe. Mais deux ans après, presque jour par jour, c’est un spectaculaire retournement de situation. La Cour d’appel l’acquitte deux mois après l’annulation, par la Cour de cassation, de sa condamnation. La même Cour d’appel avait une année avant réduit sa peine à 13 ans de prison. « Le tombeau est vide», ont clamé ses partisans de l’Union pour la nation congolaise qui, dans l’attente désespérée de cette décision, avaient fini par surnommer leur leader de « Monsieur l’innocent ».
Mais pour les opposants au régime, c’est une libération politique à l’approche des élections, Tshisekedi voulant reconquérir, comme en 2018, l’électorat de ce leader politique populaire dans l’Est du pays. Quant à l’opinion qui a suivi avec intérêt ce procès en direct durant un mois, la pédagogie n’aura duré que l’espace de deux ans. Entre-temps, la livraison des maisons préfabriquées à la base de ce procès se fait toujours attendre.
*Affaire Matata : la Cour constitutionnelle incompétente sous Kaluba, compétente sous Kamuleta*
C’est peut-être l’un des rebondissements judiciaires les plus spectaculaires de ces dernières années. En novembre, la Cour constitutionnelle se déclare compétente pour juger l’ancien Premier ministre Matata Ponyo poursuivi pour détournement de plus de 200 millions de dollars destinés au projet agro-industriel Bukanga-Lonzo. Sauf qu’il y a juste une année, en novembre 2021, la même Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente dans la même affaire.
Entre les deux jugements, il y a eu changement à la tête de cette juridiction. La première décision a été prononcée alors que Dieudonné Kaluba était fraîchement devenu président de la Cour. En mai 2022, il a été évincé au terme d’un tirage au sort controversé. Certaines langues ont lié cette « défenestration » à sa decision sur l’affaire Matata. C’est avec son successeur, Dieudonné Kamuleta, que la Cour a prononcé un jugement contraire. De quoi crédibiliser la thèse d’une sanction contre Kaluba. Entre-temps, le concerné, Augustin Matata crie à l’acharnement politique pour le simple fait qu’il aurait refusé d’adhérer à l’Union sacrée. Il s’est même trouvé deux alliés politiques à sa cause : Denis Mukwege et Martin Fayulu qui préviennent contre la démarche du régime d’écarter des candidats à la présidentielle.
*Kabund – Résidence : Makala*
Il est passé de manière inattendue du statut du deuxième homme fort du régime après Tshisekedi à celui de son opposant en 2022. Et la première épreuve à laquelle il fait face, c’est la justice. Après ses déclarations du 18 juillet lors de sa première sortie médiatique en tant qu’opposant, Jean-Marc sera poursuivi par le procureur près la Cour de Cassation pour « propagation de faux bruits » et « propos injurieux contre les institutions». Le 9 août, il est placé en détention provisoire, malgré son statut de député national. Une faute que la Cour de cassation va vite réparer trois jours après en assignant en résidence surveillée le président de l’Alliance pour le changement (A.ch). Sauf que cette décision n’est toujours pas exécutée quatre mois après : Kabund reste détenu à la prison centrale de Makala. Certaines sources judiciaires considéreraient Makala comme la résidence choisie pour « maître nageur ». Drôle de résidence quand-même, sans piscine.
« C’est moi le président »
S’il y a un qui a fêté la Noël et le Nouvel an soulagé, c’est bien Vidiye Tshimanga. L’ancien conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière stratégique a été acquitté par le Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe à deux jours de la Noël. Et pourtant, l’homme était véritablement dans une position inconfortable après la circulation des vidéos le montrant en train de négocier des commissions face à de faux investisseurs dans le domaine de mines. « C’est moi le président», leur disait-t-il. Le ministère public avait requis 3 ans de servitude pénale contre lui pour « trafic d’influence, corruption et offense au Chef de l’État.» Son acquittement a été encore interprété dans l’opinion comme une impunité quasi assurée aux proches du président de la République.
Socrate Nsimba